Il avait commencé le tournage de ce film fin aout 1972 pour l’interrompre afin de tourner dans Opération Dragon. Hélas, le tournage du film terminé, l’acteur, quelques semaines plus tard, mourut brutalement. Bien décidés à sortir coute que coute le film, les membres du Golden Harvest prirent le temps afin de remanier le scénario et achever l’œuvre posthume. Le film allait-il être une réussite? Allait-il rendre hommage à l’acteur ?
Fiche Technique
Réalisé par Robert Clouse, Bruce Lee
Genre : Arts martiaux
Film HongKongais
Durée : 1h36 environ
L’histoire
Star mondiale du cinéma d’arts martiaux, Billy Lo, refuse de travailler pour une organisation criminelle de Hong Kong dirigée par le sinistre Dr Land. Malgré plusieurs mises en garde données par Carl Miller, champion de karaté travaillant pour les malfaiteurs et Steiner, l’homme de main de Land, Billy se voit gravement atteint au visage par une vraie balle de pistolet lors du tournage d’une scène de film. Après avoir eu recours à la chirurgie esthétique, Billy, voulant protéger sa fiancée Anne, simule sa propre mort et décide de traquer uns à uns le gang du Dr Land.
Le faux dernier film du petit dragon
Il est parti trop tôt, trop jeune, avait tant de choses à accomplir et à vivre. Les films de Bruce Lee, ce qui marchait en plus du charisme de l’acteur et de son professionnalisme, c’était leur coté réaliste. Jamais d’invraisemblances. Pas de caricature mensongère sur ce qu’est un chinois. Sur le plan capacités physique, on voyait la différence entre ces films et les autres. Mouvement plus fluides, rapides et irréguliers, enchainements non téléphonés, immobilisations, clés de bras, on essaye de livrer de nouveaux mouvements, combat gracieux et dynamiques jamais portés à l’écran.
Un combat est imprévisible comme la vie elle même, il faut être capable de changer en même temps que le changement, s’adapter. Bruce Lee, à travers son film, mettra cette philosophie en œuvre. Changeant sa position et son style de combat. Pour montrer qu’il peut s’adapter à n’importe quel style. Que donc, il n’y a pas de style parfait. Suivre son cœur au lieu d’imiter les autres, voila la philosophie Bruce Lee, voila ce qu’est le « Gung Fu » ou « Kung Fu » pour les occidentaux, voila pourquoi Bruce Lee critiquait entre autre le karaté.
Aucun mouvement d’établit, aucun mouvement de répété encore et encore, juste une liberté totale. Le but, toucher efficacement l’adversaire, anticiper ses émotions et donc ces mouvements. S’entrainait 6 jours sur 7. Il n’y avait pas que l’entrainement physique, il y avait surtout le travail psychologique. Bruce Lee avait des convictions, l’envie de fraternité entre chaque homme et femme.
40minutes d’images avec lui en compagnie de James Tien et Chieh Yuan pour Le jeu de la mort, aucune véritable histoire, seulement 20minutes de sélectionnées, tout le reste sera remanié pour constituer une histoire tenant la route (oui, ça sent le héros défiguré). Comment éviter le massacre ? Malheureusement on ne l’évitera pas.
Le jeu de la mort comportera donc de vraies images de Bruce Lee provenant d’archives et carrément du VRAI enterrement de l’acteur (histoire de pourrir encore plus sa mémoire et remuer le couteau dans la plaie), des combats exécutés par des sosies, et des plans faits avec le visage de l’acteur découpé sur carton puis inséré sur son doubleur. Pour éviter que le doubleur ne se remarque trop, on va lui mettre des lunettes de soleil, le filmer de dos, de loin, dans l’ombre. Quand il faudra le filmer en gros plan, on n’utilisera pas de CGI vu qu’à l’époque ça n’existait pas encore. On usera des zooms des vieux Bruce Lee.
Le résultat sera grotesque, à la limite du ridicule, salissant non seulement l’image de l’acteur, mais en plus le film qu’il voulait faire. Les producteurs n’ont même pas eu la décence et l’intelligence de sélectionner un acteur ayant approximativement les mêmes traits que Bruce Lee. A la place d’un homme de la trentaine ayant une silhouette fine et athlétique avec un visage ovale et des traits fins, on a prit un type paraissant enfant, tout en usant du célèbre cri du petit dragon lors des séquences de fight. Dans les scènes d’affrontement combinant ET le doubleur (doublé lui-même par Yuen Biao quand les séquences sont acrobatiques), ET le vrai Lee, ça fait tâche. Les changements furtifs de qualités d’images, le film monté à la truelle par un petit de 5 ans n’aideront pas non plus. Ah l’appel de l’argent. Même quand vous êtes mort, c’est le plus fort.
Je préfère mourir brisé comme une statuette de jade plutôt que de vivre une vie d’argile.
Tout ça pour ça…
On est très loin de l’intrigue que Bruce Lee avait écrite avant de mourir. Cette intrigue voyant un champion d’arts martiaux invaincu approché par la mafia coréenne et devant, pour sauver sa sœur et son jeune frère enlevés, monter une temple bouddhiste de 5 étages, battre 5 adversaires au style de combat différent et mettre la main sur un trésor inestimable. Le jeu de la mort devait ressembler à une sorte de Chevalier du Zodiaque pour son arc du sanctuaire.
Autre point qui aurait pu révolutionner le genre : Comment on trouve sa voie petit à petit dans les arts martiaux, Le jeu de la mort devait exprimer ça. Un film d’arts martiaux philosophique, comme l’un des projets de Bruce Lee qui avait été refusé (La flute silencieuse). Oubliez tout ça, les scénaristes et Robert Clouse ont totalement abandonné les intentions philosophique et profonde du Jeu de la mort, transformant le scénario en une histoire bidon de chez bidon. Le film hommage n’est plus.
Hormis une superbe séquence de combat voyant Sammo Hung affronter Robert Wall, il vous faudra vous armer de patience, ne pas vous ronger les ongles et attendre plus d’une heure et quart pour trouver de l’intérêt à ce film. Au bout d’1h18, le vrai Bruce Lee, célèbre pyjama jaune vêtu, débarque et au moins là, on ne se moquera pas de vous. Entre le Kung Fu du faux Bruce Lee et celui du vrai, le fossé, il est immense.

Pourquoi le pyjama jaune porté par Bruce Lee? Pour montrer que le personnage n’appartient à aucun style d’art martial connu. Cette combinaison appartient à ce que l’acteur exprimait à travers ses films et dans sa vie, ce qu’il pensait des arts martiaux. Pas besoin de porter un costume traditionnel pour être un combattant efficace.
Comment oublier ce combat entre Lee et Kareem Abdul Jabbar, l’un des véritables élèves de Bruce Lee et célèbre basketteur ? Abdul Jabar envoie du lourd du haut de ces 2 mètres. Un combattant efficace mis en valeur par l’environnement dans lequel il occupe son poste. Du génie. Hélas, on sentira la coupure. Rappelons qu’au départ, l’affrontement dure une bonne vingtaine de minutes. Ca fait mal. Beau gâchis. Heureusement, sur Youtube, on trouve tout et là, ô miracle, les 40minutes comportant le montage original du jeu de la mort tel que Bruce Lee le voulait. Profitez!
Au final, une catastrophe cinématographique, un film grossier, insultant, honteux, salissant la mémoire d’un grand du cinéma d’arts martiaux, voila ce qu’est Le jeu de la mort. Seul intérêt du film : les 15 dernières minutes voyant enfin le seul et unique Bruce Lee à l’œuvre dans 3 affrontements courts mais magistraux. En vue de ce que devait être au départ Le jeu de la mort, on ne peut que pleurer, pester sur le rendu final. Bruce Lee ne méritait pas ça, son film ne méritait pas ça. Le jeu de la mort ou comment bafouer la mémoire d’un grand.